Pas au courant

Par Thierry Keller

Ce sont des scènes qui me font penser au Temple du soleil, quand Tintin et le capitaine Haddock sont à la recherche du professeur Tournesol, dans un pays qui pourrait ressembler au Pérou. « No sé », répondent les habitants, les uns après les autres. « No sé ».
Sur France info cette semaine, un micro-trottoir. On interroge des jeunes pour comprendre les raisons qui les ont poussés à s’abstenir aux régionales. « Je n’étais pas au courant qu’il y avait une élection », répond une fille en rigolant. Ah bah fallait le dire ! On se prend la tête pour « décrypter les raisons de la désaffection démocratique », et voilà le résultat. « Pas au courant ».
Deux jours plus tard, un couple d’amis m’invite à dîner. « Heu… », dis-je un peu gêné. « C’est le soir de France-Portugal ». « Ah bon ? On n’était pas au courant ». Sans rire, les gars : pas au courant ?
J’envoie un lien change.org à un vieux copain pour qu’il signe la pétition de soutien à Mila. « Mila ? c’est qui ? Ah oui, la nana, là. Y’a une pétition ? » Eh oui, gars, « y’a une pétition ».
Ok, je veux bien admettre que je suis plutôt du genre surinformé, mais les élections, le foot, cette môme harcelée, c’est pas des infos de niche, merde ! Même mon chat est au courant. C’est quoi ce monde où les gens répondent « No sé » en secouant la tête avant de reprendre une activité normale ??
Par contre, le variant Delta, ça ils connaissent. J’ai même vu la vidéo d’une « influenceuse » disant que le delta c’est un triangle, que dans le triangle il y a un œil, que l’œil c’est le signe des Illuminati, et que c’est donc « pas un hasard ».
Je sais ce qui me reste à faire. Comme tout le monde : arrêter de m’informer. M’en foutre. Et si on me demande, dire moi aussi que je n’étais « pas au courant ».

Reviens, JVP, reviens !

Par Thierry Keller

En 2014, Jean-Vincent Placé, alors patron des sénateurs écolos, pestait contre ses troupes, dont il regrettait qu’elles s’intéressent à tout sauf à l’écologie : « On est devenu le parti des Roms et de la Palestine », persifflait-il.

Dans les milieux autorisés, on s’est beaucoup gaussé de Jean-Vincent Placé – ses manières, sa fatuité, sa ligne droitière… Si bien qu’aujourd’hui, l’homme végète dans les profondeurs du classement politique. N’empêche que, sept ans après sa punchline provocatrice, ses amis ont nettement recentré leur discours vers leur cœur de métier : arbres morts, Tour de France machiste et polluant, rêves d’enfants, méchants boomers… A leur manière, les écolos refont de l’écologie. Alors certes, ils peuvent encore faire mieux (les Roms et la Palestine de 2021 sont des mosquées islamistes ou des cours de récré dégenrées). Mais à quel prix ! Chaque jour qui passe, les écologistes français s’évertuent à rester minoritaires à jamais.

On pourrait s’en réjouir, on ne peut que s’en désoler. D’abord parce que les citoyens, dans leurs comportements, dans leurs consciences, méritent et réclament une écologie politique sérieuse, apte à gouverner. Ensuite et surtout parce que l’urgence climatique se fait pressante et qu’on ne trouve pas grand-monde pour rendre la planète great again.

Le 26 septembre prochain, une dirigeante issue des Grünen, Annalena Baerbock, a de bonnes chances de devenir la nouvelle chancelière allemande. Pas étonnant : outre-Rhin, les Verts ont depuis longtemps fait leur révolution ; ils dirigent des Länder, participent à des coalitions de droite comme de gauche. Bref, ils sont crédibles.

C’est peut-être le moment de sortir Jean-Vincent Placé du placard…